Mali I : Bamako, Ségou, Djenné

2 12 2009

 

 

Bon, nous n’irons pas jusqu’à Tombouctou : c’est loin; c’est généralement jugé décevant; c’est dangereux (cf. enlèvement d’un français au Nord de la fameuse –ici- ligne Tombouctou-Gao cette semaine) 

Notre voyage nous conduira jusque chez les Dogons dont on reparlera. Non seulement parce qu’ils ont un nom rigolo mais surtout parce qu’ils ont une vie et des coutumes un peu dingues. Dans ce pays dont on comprend qu’il est intéressant rien qu’en regardant sa carte improbable. 

 

En préambule, on a fait un très très beau voyage au Mali, très exotique, très riche, assez fatiguant parce que entre 37 et 42° tous les après-midis + pas mal de déplacements et où il faut avoir le cœur plutôt bien accroché car certains endroits sont franchement immondes. Mais ça vaut la peine de passer outre même si parfois l’expérience a un peu tendance à s’incruster dans la mémoire visuelle et olfactive. 

Arrivés le soir à Bamako (De France il est possible de zapper cette ville très polluée et sans intérêt à nos yeux pour atterrir directement à Mopti, plus proche de l’action touristique), 

 prise de contact avec Simon, 

Simon, autour de 32 pluies

 

notre guide ‘né vers 1977’ comme le dit sa CNI, d’origine dogon, un peu chrétien mais surtout dogon, qui se montrera extrêmement prévenant avec nous, adorable avec les filles –sans toutefois arriver à susciter leur frénésie comme Mor au Sénégal- et instructif avec Caroline et moi. Donc tout le monde était content. 

Le lendemain, avant de prendre la route, nous reprenons la quête de l’appareil photo numérique et ne trouvons que des compacts qui ont au moins 3 générations de retard mais au prix des apn les plus récents. Nous décidons donc de passer outre en faisant confiance à notre bonne étoile. [Bien nous en pris puisque le lendemain Simon me mettra en position de faire une négo de location d’appareil couronnée de succès avec un de ses collègues guides –une bonne négo, surtout pour lui mais qui nous a permis de faire ces photos au Mali.] 

Puis 4 heures de route avec Simon et Rodrigue -le laconique mais gentil chauffeur Bénino-Malien- jusqu’à Ségou. Dans un 4*4 dont aucun élément du tableau de bord ne marche plus et qui aurait sans doute plus de 300 000 kms au compteur si celui-ci fonctionnait. Les mécaniciens maliens sont connus pour faire des miracles et réussir à maintenir en circulation des véhicules qui n’en sont plus. Installation à l’hôtel et visite de la ville dont on n’aura pas de photos, la négo de l’appareil étant intervenue trop tardivement. 

Déjà on est ramenés au cycle des saisons, à l’alternative nomade/sédentaire et surtout à la diversité des ethnies. Et là on est vraiment servi, entre les bambaras (2e langue officielle après le français mais plus parlé que ce dernier car elle sert de dénominateur commun à la plupart des ethnies) et les Malinkés, les Peuls éleveurs et leurs drôles de chapeaux coniques déjà rencontrés, 

 

 les Sénoufos, les Bwas, les Bozos (pêcheurs nomades qui vivent souvent dans un habitat précaire), les Dogons, les Songhai etc. Une mosaique dont les rapports inter-ethnies sont régis par des relations de ‘cousinage’ ou des ‘relations à plaisanteries’. Un peu long à expliquer mais ces relations sociales inter-ethnies régissent ce qu’il est possible de faire entre deux groupes: mariage ou pas, guerre ou pas etc  Et également la manière dont ils se chambrent gentiment lorsqu’ils se rencontrent. Pour plus de détails, c’est ici http://etudesafricaines.revues.org/index6198.html 

Simon nous fait vivre tout ça avec son accent aussi sympa qu’inimitable. 

En arrière-plan se dissimule le fait que 99% des gens que nous voyons n’ont jamais passé un coup de téléphone et ne monteront jamais dans une voiture de leur vie… 

 

Cet après-midi nous apprenons aussi à faire du bogolan, c’est-à-dire à teindre un tissu avec de l’argile et des matières végétales comme l’indigo ou d’autres fruits. Avec ces substances, on fait des sortes de rébus grâce à un alphabet de symboles autour des thèmes de la famille, de l’équilibre, de la morale etc. Les filles adorent et nous on aurait bien rapporté une ou deux pièces magnifiques de leurs créations –des pros, pas des filles- à la maison. Une autre fois… 

Le lendemain, nous partons en pinasse voir un village très connu pour ses poteries. Et en faire nous-mêmes donc on a un peu de mal à tenir nos pouliches très excitées par cette perspective. 

 

D’autant plus que pour l’occasion Clémentine a mis sa nouvelle et très belle robe africaine 

Elle est drôlement jolie ma robe

Effectivement, en chemin, on croise des bateaux chargés de poteries qui seront vendues au marché. 

Ben oui c'est mal cadré mais t'es marrant, ils bougent les bateaux...

Sur le fleuve Niger.  Si on continue à descendre le fleuve quelques centaines de kms, on arrive à Tombouctou puis Gao. 

Quand ça bouge, c'est plus facile de cadrer de dos!

Le principe est simple : à l’aide de moules, les femmes du village produisent des poteries servant surtout pour la cuisine, avec l’argile ramassé derrière le village. La partie spectaculaire concerne la cuisson de ces poteries : on les recouvre, à gauche, à droite, en-dessous, au-dessus de fourrage auquel on va mettre le feu. 

l'a pas l'air commode la dame...

Et la température monte à plusieurs centaines de degrés, cuisant ainsi l’argile. 

 

Sur certaines on applique ensuite un enduit végétal qui les rend brillantes. Pour le look. Inutile de dire que comme à la base il fait entre 35 et 40 degrés sans feu, autour du brasier, c’est assez ‘caliente’ voire insupportable. Seules les femmes et les bébés peuvent s’y risquer… 

Les femmes et les enfants d'abord

Les hommes ne se commettent pas dans des tâches aussi pénibles et aussi subtiles, la manipulation des fragiles poteries étant assez délicate. 

Mais comme c’est en forgeant, voici les trois toubabous (au Mali on remplace parfois le sobriquet toubab par celui-ci) de sexe féminin à l’œuvre, 

 

 

coachés par une dame potière. Là encore, même cause, même effet : elles ne sont sûrement pas les premières touristes à le faire mais l’absence d’autres touristes d’une part, l’improvisation de beaucoup de et la présence apparemment fascinante de Clémilie de l’autre nous font apparaître la séance de pâte à modeler comme très authentique et surtout très drôle. Avec l’aide de Caroline et de la dame potière, 

 

Clémilie font des tortues, des crocodiles, un chien et un buffle. 

 

Que bien sûr il va falloir cuire. [On s’en sortira grâce au gérant libanais de l’hôtel qui acceptera qu’on les fasse cuire dans son four à pizza. Les filles joueront avec pendant des heures par la suite avant qu’inévitablement les fragiles sculptures ne se fragmentent, faisant ainsi couler quelques larmes vite séchées par l’argument-massue de la comparaison avec les enfants des villages voisins…] 

 

En rentrant on passe devant les bûchers qui obscurcissent le ciel 

 

et Clémilie font leur première session improvisée de pilage du mil. 

 

Après un retour paisible en bateau et avoir échappé aux sollicitations pressantes des touaregs sur la rive du Niger, convaincus que nous devrions acheter des boîtes en albâtre vraiment hideuses, il ne faut pas nous forcer pour regagner le confort de l’air conditionné –même un peu vétuste- dans notre chambre commune. 

Les matins sont frais et délicieux mais ça ne dure que jusqu’à 10h. Après c’est l’inexorable escalade du thermomètre mais comme il fait sec c’est presque supportable. A propos, c’est le début de la saison sèche et pas plus au Mali qu’au Sénégal nous n’aurons eu de pluie. Et depuis 2 mois nous avons eu le privilège de dîner dehors tout les soirs –j’vous dit, on s’habitue à tout- sauf deux où les moustiques étaient vraiment trop en forme. 

En partant pour Djenné, on peut voir quelques ‘pharmacies par terre’, espèces de parashop locaux posés sur le trottoir où les ordonnances sont inutiles et les médicaments vont du placebo à la contrefaçon franchement toxique. 

Sur la route, dans un village choisi au hasard par Simon nous dit-il (et vu l’échange en français avec le directeur on le croit), on fait une belle visite, accueillis dans les classes par les chants et les sourires des enfants. 

 

Là encore, Clémilie, nos ice-breakers de choc réciproquent et c’est très sympa. 

 

Ca le sera encore davantage en pays dogon. Les filles sont naturellement un peu timides avec les autres enfants en groupe et s’enhardiront au fil du voyage. 

 

Même si parfois, le nombre des ‘suiveurs’ et leur proximité est selon l’humeur assez drôle ou un peu too much. Une dernière chanson, un dernier rire, une dernière réponse que non elles ne sont pas jumelles et nous nous remettons en route en remerciant les enfants, les maîtres et le directeur. 

Champs de coton, de mil, de manioc, de calebasses –gros légumes durs qui ressemblent à des pastèques clairs que l’on évide pour en faire des récipients ou des instruments de musique-, des manguiers (pas la saison malheureusement), des fromagers, ânes, chèvres, peuls avec leurs troupeaux, bambaras aux champs, nids de poule énormes, gendarmes couchés, voici la route sous le soleil d’Afrique. 

Un autre village et là c’est le balafon, le xylophone africain avec des calebasses sous les lattes de bois qui servent d’ampli. 

 

Le début est calme puis le démon de la danse rentre dans mon corps et je suis possédé. 

Mais kes ta bu doudou dis-donc?

Déchirant la piste de danse improvisée, j’entraîne Clémentine dans un tourbillon sous les vivats et les rires -sarcastiques?- de la foule en délire. 

C'est le balafon du démon

Visiblement un peu plus organisé comme happening mais la tranche de rire était quand même bien épaisse. 

 Petit détail qui calme au passage : en Afrique de l’Ouest, même dans les villages les plus insalubres, les habitants adorent serrer nos mains et celles des enfants… Sachant qu’il n’y a jamais d’eau courante et que le savon sert à la lessive, vive les lotions bactéricides! 

 Un petit passage de bac, ça faisait longtemps, puis arrivée à Djenné et visite de la mosquée. Le plus grand bâtiment en terre du monde, mazette. 

 

Le crépi est refait avant chaque saison des pluies ou hivernage. L’extérieur très esthétique donnant envie, on se fait piéger dans une visite tarifée sans aucun intérêt, l’intérieur étant aussi sombre que banal. Mais aujourd’hui c’est jour de marché. Et Djenné est peut-être le plus grand marché du Mali. Un monde absolument fou. 

 

Ca pulse…Simon nous recommande d’être ‘aware’. D’ailleurs nous croisons une française dont l’appareil photo vient de se volatiliser. Même si les femmes sont majoritaires, faut reconnaître que comme disait l’autre, c’est plutôt un marché d’hommes : il fait 40°, des odeurs violentes nous assaillent, entre les poissons fumés ou séchés, la viande couverte de mouches, les odeurs des vendeurs et des acheteurs qui ont souvent voyagé des heures pour venir et surtout une pâte noire complètement abo qu’ils utilisent comme condiment – il paraît que c’est comme le durian ou le munster : c’est bien meilleur que ça ne sent- les narines sont cautérisées. 

 

Certaines ont le cœur au bord des lèvres. Je me rends compte en écrivant que les photos sont beaucoup plus paisibles que la visite. Même si je serais bien resté un peu, il faut reconnaître que c’est le genre d’endroit où il ne faut pas forcément s’éterniser donc je me rallie volontiers et prudemment à l’avis de mon gouvernement et nous rallions l’hôtel. 

Le lendemain matin, la même place est quasi-déserte. Il ne nous reste qu’à prendre la route vers les dogons et Bandiagara. Juste au moment où Caroline peste contre l’enrouleur de la ceinture d’Emilie qui ne maintient pas celle-ci parfaitement, elle remarque –ironie du sort- un groupe de passagers, y compris des enfants, qui sont dans une configuration un peu moins sécuritaire… 

Les dogons au prochain épisode donc.


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6 responses

3 12 2009
fhumbert

on en prend plein la tête à chaque fois 😉 !!

(et je vous laisse le pseudo-durian avec plaisir…)

7 12 2009
Debbie

HI Emily and Clementine and Parents. I met you a few weeks ago at the pool with my dog Samantha. She is doing well. Sounds like your adventures continue. Enjoy them and I hope you have a joyous Christmas, wherever you are. May God bless you.
Debbie

10 12 2009
JMP

magnifique cette munstérisation des narines cautérisées … on y est !

19 12 2009
Tizia

Un autre monde… C’est merveilleux.

Heureusement, j’avais vu Kirikou, le coup des poteries, je connaissais 😉

Thanks for sharing !
Enjoy

XXX
Letizia

28 02 2010
simon saye

Jolie commentaire j’espere que le voyage se passe bien

28 02 2010
clemilieworldtour

Séoé Simon. Ini Séoé? 😉
Le Mali restera un grand souvenir de notre voyage et on pense souvent à toi avec les petites nassaras qui grandissent vite!

Chaleureusement,
Caroline et Jean-Fabrice

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